L’accès au crédit immobilier représente un enjeu majeur pour de nombreux Français souhaitant devenir propriétaires. Parmi les conditions d’obtention figure l’assurance emprunteur, qui sécurise le prêt en cas de décès ou d’invalidité. Au cœur de cette assurance se trouve le questionnaire médical, document parfois redouté des candidats à l’emprunt présentant des antécédents médicaux. Face aux discriminations potentielles, le législateur a progressivement encadré l’obligation de déclaration de santé, notamment avec la loi Lemoine de 2022 qui marque un tournant significatif. Ces évolutions juridiques visent à équilibrer les intérêts des assureurs et le droit d’accès au crédit pour tous, y compris pour les personnes ayant connu des problèmes de santé.
Fondements juridiques de l’obligation de déclaration de santé
L’obligation de déclaration de santé dans le cadre d’une assurance emprunteur repose sur des principes fondamentaux du droit des assurances. Le Code des assurances établit à l’article L113-2 que l’assuré est tenu de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque. Cette obligation s’inscrit dans le principe de bonne foi contractuelle et vise à permettre à l’assureur d’évaluer précisément le risque qu’il accepte de garantir.
Le manquement à cette obligation n’est pas sans conséquence. En cas de fausse déclaration intentionnelle, l’article L113-8 du Code des assurances prévoit la nullité du contrat. Si la mauvaise foi n’est pas établie, l’article L113-9 permet une réduction proportionnelle de l’indemnité en cas de sinistre. Ces sanctions illustrent l’importance accordée par le législateur à la sincérité des déclarations dans l’équilibre contractuel.
Toutefois, cette obligation de déclaration s’inscrit dans un cadre plus large comprenant le droit à la protection de la vie privée et le principe de non-discrimination. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) veille particulièrement au respect des règles relatives à la collecte et au traitement des données de santé, considérées comme sensibles par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
La jurisprudence a progressivement précisé les contours de cette obligation. La Cour de cassation a notamment établi que l’assuré n’est tenu de déclarer que les informations demandées explicitement par l’assureur. Dans un arrêt du 15 février 2007, elle a jugé que « l’assuré n’est tenu de répondre qu’aux questions précises posées par l’assureur » (Cass. 2e civ., 15 févr. 2007, n° 05-20.865). Cette décision met en lumière une première limite à l’obligation de déclaration : elle ne peut porter que sur des éléments expressément sollicités.
Le cadre juridique de la déclaration de santé s’est construit dans une tension permanente entre la nécessité pour l’assureur d’évaluer le risque et la protection des droits fondamentaux des assurés. Cette tension a conduit le législateur à intervenir à plusieurs reprises pour établir des limites précises à cette obligation déclarative.
L’évolution législative vers un droit à l’oubli médical renforcé
La reconnaissance d’un droit à l’oubli médical constitue une avancée majeure dans la limitation de l’obligation de déclaration de santé. Ce concept juridique permet aux personnes ayant souffert de pathologies graves de ne plus avoir à les déclarer après un certain délai, facilitant ainsi leur accès à l’assurance emprunteur.
La première étape significative fut la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) signée en 2006 et révisée plusieurs fois depuis. Cette convention, fruit d’un accord entre les pouvoirs publics, les associations de malades et les professionnels de la banque et de l’assurance, a institué un cadre permettant de faciliter l’accès à l’assurance pour les personnes présentant un risque de santé aggravé.
En 2016, la loi Sapin 2 a consacré légalement le droit à l’oubli pour les anciens malades du cancer. Le délai initial de non-déclaration était fixé à 15 ans après la fin des traitements. Cette disposition a marqué un tournant en reconnaissant pour la première fois dans la loi le principe selon lequel certaines informations médicales peuvent être légitimement omises dans les questionnaires d’assurance.
La loi du 28 février 2022 : une révolution pour les emprunteurs
La loi Lemoine du 28 février 2022 a considérablement renforcé le droit à l’oubli en réduisant le délai à 5 ans pour les cancers et l’hépatite C. Cette loi a introduit trois avancées majeures :
- La réduction du délai du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et l’hépatite C
- La suppression du questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 euros par assuré et dont le terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’assuré
- Le renforcement du droit à la résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur
Cette évolution législative traduit une volonté politique forte de favoriser l’accès au crédit immobilier pour tous, y compris pour les personnes ayant connu des problèmes de santé. Elle représente une limitation considérable de l’obligation de déclaration de santé, puisque de nombreux emprunteurs se trouvent désormais complètement exemptés de questionnaire médical.
La grille de référence AERAS a été parallèlement élargie pour inclure davantage de pathologies bénéficiant de conditions d’assurance normalisées ou se rapprochant des conditions standard. Cette grille permet aux personnes souffrant de certaines maladies chroniques comme le diabète, le VIH ou l’asthme d’accéder plus facilement à l’assurance, sous réserve que leur pathologie soit stabilisée et bien suivie.
L’évolution législative reflète une prise de conscience croissante des enjeux éthiques liés à l’accès au crédit et à l’assurance. Elle témoigne d’un changement de paradigme où le droit à l’assurance tend à être considéré comme un élément du droit au logement, lui-même rattaché aux droits fondamentaux de la personne.
Les limites liées à la protection des données personnelles de santé
La collecte et le traitement des données de santé dans le cadre de l’assurance emprunteur s’inscrivent dans un cadre juridique strict, dominé par le RGPD et la loi Informatique et Libertés. Ces textes imposent des limites considérables à l’obligation de déclaration de santé.
Premièrement, les données de santé sont qualifiées de « données sensibles » par l’article 9 du RGPD, ce qui implique un régime de protection renforcé. Leur traitement est en principe interdit, sauf exceptions limitativement énumérées, dont le consentement explicite de la personne concernée. L’assureur doit donc recueillir un consentement spécifique, libre, éclairé et univoque avant de collecter ces informations.
La CNIL exerce un contrôle vigilant sur les questionnaires médicaux utilisés par les assureurs. Elle veille notamment à ce que les questions posées respectent le principe de minimisation des données : seules les informations strictement nécessaires à l’évaluation du risque peuvent être demandées. Cette exigence constitue une limite importante à l’étendue des déclarations de santé pouvant être exigées.
En application de ce principe, un assureur ne peut pas exiger des informations sur l’ensemble des antécédents médicaux sans distinction. Par exemple, la délibération n°2010-449 du 2 décembre 2010 de la CNIL a rappelé qu’un questionnaire de santé ne doit pas comporter de questions trop générales ou imprécises comme « Avez-vous consulté un médecin au cours des cinq dernières années ? ».
Le secret médical comme protection supplémentaire
Le secret médical, principe fondamental de la déontologie médicale consacré par l’article L1110-4 du Code de la santé publique, constitue une autre limite significative. Si l’assureur peut demander des informations médicales, le détail des pathologies et des traitements reste protégé par ce secret.
Pour concilier les impératifs d’évaluation du risque et de protection du secret médical, un dispositif spécifique a été mis en place : le médecin conseil de l’assureur. Ce professionnel, tenu au secret médical, sert d’intermédiaire entre l’assuré et l’assureur. Il est le seul à avoir accès aux informations médicales détaillées et ne transmet à l’assureur que son avis sur l’acceptation ou non du risque.
La Cour de cassation a confirmé l’importance de cette procédure dans plusieurs arrêts, notamment dans une décision du 18 mars 1986 (Cass. 1re civ., 18 mars 1986, n° 84-15.664) où elle a jugé que « le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose au médecin comme un devoir de son état ».
Ces limites liées à la protection des données personnelles et au secret médical constituent un contrepoids significatif à l’obligation de déclaration. Elles garantissent que cette obligation ne puisse pas devenir un moyen de collecte massive et indiscriminée d’informations sur la santé des emprunteurs.
Les sanctions en cas d’exigences abusives des assureurs
Face aux limitations légales de l’obligation de déclaration de santé, les assureurs qui maintiendraient des exigences excessives s’exposent à diverses sanctions. Le cadre juridique prévoit plusieurs mécanismes pour protéger les emprunteurs contre les pratiques abusives.
Sur le plan civil, un questionnaire médical non conforme aux prescriptions légales peut être considéré comme abusif. Dans ce cas, l’article L212-1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives peut trouver application. La sanction est alors radicale : la clause est réputée non écrite, ce qui signifie qu’elle est écartée du contrat sans affecter sa validité globale.
La jurisprudence a développé une approche protectrice des assurés. Dans un arrêt du 4 février 2016 (Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 15-13.850), la Cour de cassation a considéré qu’un assureur ne pouvait se prévaloir d’une fausse déclaration lorsque les questions posées dans le questionnaire médical étaient imprécises ou ambiguës. Cette décision limite considérablement la portée des sanctions pour fausse déclaration lorsque le questionnaire n’est pas correctement formulé.
Sur le plan administratif, la CNIL dispose de pouvoirs de contrôle et de sanction importants. Elle peut prononcer des amendes administratives pouvant atteindre, pour les entreprises, 4% du chiffre d’affaires annuel mondial ou 20 millions d’euros. En 2019, la CNIL a ainsi sanctionné plusieurs organismes d’assurance pour des manquements relatifs à la collecte excessive de données de santé.
Le rôle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), chargée de la supervision des secteurs de la banque et de l’assurance, joue un rôle primordial dans le contrôle des pratiques des assureurs. Elle peut prononcer des sanctions disciplinaires allant de l’avertissement au retrait d’agrément, ainsi que des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 100 millions d’euros.
La Commission des sanctions de l’ACPR a rendu plusieurs décisions concernant des manquements aux règles encadrant l’assurance emprunteur. Par exemple, dans une décision du 19 décembre 2019, elle a sanctionné un assureur pour ne pas avoir respecté les dispositions de la convention AERAS.
Les assurés disposent par ailleurs de voies de recours spécifiques. Ils peuvent saisir le médiateur de l’assurance, dont les avis, bien que non contraignants, sont généralement suivis par les professionnels. En cas de discrimination liée à l’état de santé, le Défenseur des droits peut être saisi et dispose de pouvoirs d’investigation étendus.
Ces différents mécanismes de sanction et de recours constituent une garantie effective contre les abus potentiels des assureurs. Ils contribuent à l’effectivité des limitations légales de l’obligation de déclaration de santé en dissuadant les pratiques non conformes.
Enjeux pratiques et perspectives d’évolution du cadre juridique
Malgré les avancées législatives significatives, l’application pratique des limitations à l’obligation de déclaration de santé soulève encore de nombreux défis. Des tensions persistent entre la logique actuarielle des assureurs et l’objectif d’accessibilité universelle au crédit immobilier.
La suppression du questionnaire médical pour certains prêts, instaurée par la loi Lemoine, a suscité des craintes quant à une possible hausse des tarifs d’assurance pour compenser l’absence d’évaluation individualisée du risque. Certains observateurs du marché ont noté une tendance à la mutualisation accrue des risques, avec potentiellement des répercussions sur les primes demandées aux emprunteurs considérés comme présentant un risque standard.
L’un des enjeux majeurs concerne l’équilibre économique du système assurantiel. Les compagnies d’assurance doivent adapter leurs modèles actuariels pour intégrer cette nouvelle donne réglementaire tout en maintenant leur solvabilité. Cette adaptation pourrait conduire à des innovations dans les produits proposés, avec notamment le développement d’offres modulaires permettant une personnalisation accrue des garanties.
Vers une harmonisation européenne ?
À l’échelle européenne, les approches concernant l’assurance emprunteur et les obligations de déclaration de santé varient considérablement. La France fait figure de précurseur avec son dispositif de droit à l’oubli et la suppression partielle du questionnaire médical. Cette situation pose la question d’une possible harmonisation à l’échelle de l’Union européenne.
Le Parlement européen s’est saisi de la question de la discrimination fondée sur l’état de santé dans l’accès aux services financiers. Dans une résolution du 16 février 2022, il a appelé à l’adoption de mesures garantissant un accès équitable à ces services pour les personnes atteintes de maladies chroniques ou ayant des antécédents médicaux.
Cette dynamique européenne pourrait à terme conduire à l’émergence d’un cadre harmonisé, inspiré en partie du modèle français. L’enjeu serait alors de concilier les principes du marché unique des services financiers avec la protection des personnes vulnérables.
Les défis de l’intelligence artificielle et de la médecine prédictive
Les progrès de l’intelligence artificielle et de la médecine prédictive soulèvent de nouvelles questions juridiques. Les algorithmes permettent désormais d’évaluer les risques de santé futurs à partir d’un nombre limité de données, y compris non médicales. Cette évolution technologique pourrait remettre en question l’efficacité des limitations actuelles de l’obligation de déclaration.
Le législateur devra probablement intervenir pour encadrer ces nouvelles pratiques. Une réflexion est déjà engagée au niveau du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur les implications éthiques de ces technologies dans le domaine de l’assurance.
L’avenir du cadre juridique de l’assurance emprunteur pourrait s’orienter vers une approche plus globale, intégrant non seulement les limitations à l’obligation de déclaration, mais aussi la régulation des méthodes d’évaluation du risque. Cette évolution s’inscrirait dans une tendance plus large de protection des données personnelles et de lutte contre les discriminations dans l’accès aux services essentiels.
Stratégies juridiques pour les emprunteurs face aux questionnaires médicaux
Face à la complexité du cadre juridique encadrant les questionnaires médicaux, les emprunteurs peuvent adopter plusieurs stratégies pour protéger leurs droits tout en respectant leurs obligations légales. Ces approches reposent sur une connaissance précise des limites de l’obligation de déclaration.
La première démarche consiste à vérifier l’applicabilité des dispositions de la loi Lemoine. Si le prêt est inférieur à 200 000 euros par assuré et que son terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur, aucun questionnaire médical ne peut être exigé. L’assureur qui persisterait à en demander un se placerait dans l’illégalité, et l’emprunteur serait fondé à refuser de le compléter.
Pour les prêts ne bénéficiant pas de cette exemption, l’emprunteur doit examiner attentivement le questionnaire médical proposé. Celui-ci doit comporter des questions précises et non ambiguës. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l’assuré n’est tenu de répondre qu’aux questions explicitement posées. Cette règle offre une protection contre les conséquences d’une omission concernant un élément sur lequel l’assureur n’a pas spécifiquement interrogé.
L’emprunteur doit par ailleurs vérifier si sa situation médicale entre dans le champ du droit à l’oubli ou de la grille de référence AERAS. Pour les pathologies cancéreuses et l’hépatite C, le droit à l’oubli s’applique 5 ans après la fin du protocole thérapeutique. Pour d’autres pathologies listées dans la grille de référence, des conditions d’assurance standardisées s’appliquent sous certaines conditions.
Le recours aux dispositifs d’aide et de médiation
En cas de difficulté d’accès à l’assurance en raison de l’état de santé, plusieurs dispositifs d’aide existent. Le dispositif AERAS prévoit un examen des demandes à trois niveaux successifs, permettant d’augmenter les chances d’obtention d’une couverture. En dernier recours, une commission de médiation AERAS peut être saisie pour examiner les réclamations individuelles.
L’emprunteur peut également solliciter l’aide d’associations spécialisées comme la Ligue contre le cancer ou France Assos Santé, qui offrent un accompagnement personnalisé dans les démarches d’assurance. Ces organisations disposent d’une expertise précieuse et peuvent intervenir auprès des assureurs pour faciliter la résolution des situations complexes.
Une stratégie efficace consiste à solliciter plusieurs devis d’assurance emprunteur. La délégation d’assurance, renforcée par la loi Lemoine qui permet la résiliation à tout moment, offre une flexibilité accrue aux emprunteurs. Cette mise en concurrence peut permettre d’identifier des assureurs proposant des conditions plus favorables pour certaines pathologies.
La gestion des contentieux
En cas de litige avec un assureur concernant un refus d’assurance ou des conditions jugées discriminatoires, plusieurs voies de recours s’offrent à l’emprunteur. La saisine du médiateur de l’assurance constitue une première étape, permettant une résolution amiable sans frais.
Si cette médiation n’aboutit pas, l’action en justice reste possible. L’emprunteur peut invoquer le Code des assurances, mais aussi le Code de la consommation concernant les clauses abusives, ou encore la législation anti-discrimination. La charge de la preuve est aménagée en matière de discrimination : il suffit à la victime d’apporter des éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination, charge ensuite à l’assureur de prouver que sa décision repose sur des éléments objectifs.
Ces stratégies juridiques permettent aux emprunteurs de faire valoir efficacement leurs droits face aux exigences des assureurs. Elles contribuent à l’effectivité des limitations légales de l’obligation de déclaration de santé et participent à l’objectif d’un accès équitable au crédit immobilier.
L’avenir de la protection des emprunteurs : entre personnalisation et solidarité
L’évolution du cadre juridique de l’assurance emprunteur révèle une tension fondamentale entre deux principes : la personnalisation du risque, chère aux assureurs, et la solidarité entre assurés, qui sous-tend les limitations à l’obligation de déclaration de santé. L’avenir de cette protection s’inscrit dans la recherche d’un équilibre entre ces deux approches.
La tendance actuelle vers une limitation croissante de l’obligation déclarative traduit une préférence du législateur pour le principe de solidarité. Cette orientation s’inscrit dans une vision où l’accès au logement, facilité par le crédit immobilier, est considéré comme un droit fondamental qui ne devrait pas être entravé par des considérations de santé.
Toutefois, cette approche solidaire se heurte à des contraintes économiques. Les compagnies d’assurance doivent maintenir un équilibre technique pour garantir leur solvabilité. La mutualisation accrue des risques pourrait conduire à une augmentation générale des primes, ce qui soulève des questions d’équité entre les différentes catégories d’emprunteurs.
Face à ce dilemme, de nouvelles voies se dessinent. Le développement de fonds de garantie spécifiques, alimentés par une contribution modeste de tous les assurés, pourrait permettre de prendre en charge les surcoûts liés aux risques aggravés sans peser excessivement sur les primes individuelles. Ce modèle, inspiré de mécanismes existants dans d’autres domaines comme la garantie des dépôts bancaires, concilierait les impératifs de solidarité et d’équilibre économique.
L’apport des nouvelles technologies
Les avancées technologiques ouvrent des perspectives inédites. La télémédecine et les objets connectés de santé pourraient transformer l’approche du risque en assurance. Plutôt que de se fonder sur des déclarations statiques concernant les antécédents médicaux, les assureurs pourraient proposer un suivi dynamique de l’état de santé des assurés, avec des ajustements de prime en fonction de l’évolution des indicateurs.
Ce modèle, déjà expérimenté dans certains pays pour l’assurance automobile (« pay as you drive »), soulève néanmoins d’importantes questions éthiques et juridiques. Le RGPD et la législation française imposent des contraintes strictes à la collecte continue de données de santé. La mise en œuvre d’un tel système nécessiterait un encadrement légal spécifique garantissant le consentement éclairé des assurés et la protection de leurs données.
La blockchain pourrait offrir des solutions innovantes pour la gestion sécurisée des données médicales. Cette technologie permettrait aux assurés de contrôler précisément quelles informations ils partagent avec les assureurs, tout en garantissant l’authenticité des données transmises. Des expérimentations en ce sens sont menées dans plusieurs pays européens.
Vers une refonte globale du système ?
À plus long terme, une refonte plus profonde du système d’assurance emprunteur pourrait être envisagée. Certains experts suggèrent de dissocier complètement l’évaluation du risque médical de l’accès au crédit immobilier, en créant un système universel de garantie des prêts.
Dans ce modèle, inspiré de certains dispositifs existants comme le Fonds de Garantie à l’Accession Sociale (FGAS), l’État ou un organisme dédié se porterait garant des prêts immobiliers. La question de l’assurabilité des personnes présentant un risque aggravé de santé serait ainsi résolue à la source, puisque le prêteur serait sécurisé par cette garantie publique.
Ce système représenterait un changement de paradigme majeur, transformant l’assurance emprunteur d’une obligation individuelle en un mécanisme de solidarité nationale. Il susciterait certainement des débats sur son financement et sur l’équilibre à trouver entre responsabilité individuelle et protection collective.
L’avenir de la protection des emprunteurs se dessine ainsi à la croisée de plusieurs chemins, entre renforcement des limitations existantes, innovations technologiques et refonte systémique. Quelle que soit l’option privilégiée, elle devra concilier l’objectif d’accessibilité universelle au crédit immobilier avec la pérennité économique du système assurantiel.
